« The future is ready to be created and the past is already facing page»A past I prefer forget. 10 Avril 2002
Bon anniversaire Margo… J’ai 10 ans et c’est sûrement l’un des pires jours de ma vie. Nous sommes en Angleterre depuis un peu moins d’un an et l’Italie me manque horriblement. J’aimerais rentrer chez moi, à Rome, chez mes grands-parents, eux qui n’ont jamais tenu compte de mon handicap. J’ai à peine dix ans et j’ai déjà envie de liberté. Je remets mes lunettes sur mon nez pour cacher mes larmes et le coup naissant au coin de ma joue. Ne le dis à personne, sinon, je recommencerais. Des menaces, encore et encore, elles tournent dans ma tête. Pourquoi est-ce que maman n’a rien dit ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Mon père est venu retirer le téléphone à fil dans ma chambre en me répétant la même phrase, la même menace. Ne parles de ça à personne. Je reste assise sur le petit divan juste à côté de la fenêtre et laisse retomber ma tête sur l’appuie de celle-ci. Je fais peur même à mes propres parents, je suis un monstre et je ne dois me montrer à personne, le monde extérieur est trop cruel pour les gens comme moi. Alors d’où me vient cette envie de sortir de cette maison qui me sert de prison ? Pourquoi ai-je envie d’aller courir sur le sable de la plage qui se trouve à quelques mètres de chez moi ? J’ai demandé une sortie pour mon anniversaire, en me permettant de retirer les lunettes qui cachent mes yeux mais je n’aurais pas dû. Je passe une main sur le coup douloureux que j’ai reçu il y a à peine quelques minutes et une larme coule dessus sans que je ne puisse la retenir. Je me couche sur le divan et ferme les yeux, plongeant dans un sommeil remplis de cauchemars.
23 Juillet 2008
Je suis tranquillement installée sur ma chaise d’occasion dans mon grenier secret quand ma première vision arrive sans crier gare. J’ai une sensation de vertige que je n’ai jamais ressentie auparavant, j’ai une sensation de liberté et une phrase, prononcée par une voix qui m’est familière –la mienne-, retentit : Je suis libre !. Un soupire, un bruit de train comme dans les films puis plus rien. Je tombe en arrière et la sensation de vertige disparait. Je ne comprends pas ce qu’il vient d’arriver ni ce que ça voulait dire. Je me relève, le dos endoloris par la chute, et descends dans ma chambre, un peu perdue. Je me mets à genoux sur le fauteuil un peu usé à côté de ma fenêtre. J’ouvre celle-ci en grand et un courant d’air passe sur mon visage tandis que je sens la chaleur d’un rayon de soleil caresser ma joue. J’avance un peu ma main et l’enroule autour d’un des barreaux, le froid me rappelle les souvenirs douloureux d’une tentative désespérée de m’évader. Un espoir nait doucement dans mon cœur et un petit sourire éclaire mon visage. Je prends une grande inspiration en écoutant le son des vagues un peu plus loin. Un jour, je serais libre…
27 Aout 2011
Je fais ma valise alors que des douleurs me lancent toujours dans le bras. Je pars, je m’en vais, je ne veux pas rester une heure de plus dans cette prison. Mes yeux font peur à mes parents, je suis interdite d’enlever mes lunettes en leur présence alors je les enlèverais autre part, loin d’ici. Je monte dans le grenier et les larmes me montent aux yeux, cet endroit était mon seul refuge et il va me manquer. J’essuie les larmes sur mes joues et prends les croquis et les tissus qui s’y trouvaient. Il ne reste plus aucun vêtement dans mon immense garde-robe et ma salle de bains est dépourvue de toutes mes affaires de maquillage. Je m’approche une dernière fois de la fenêtre que je connais si bien. Un jour, je serais libre et ce jour c’est aujourd’hui. Je me souviens des voix et des bruits que j’avais entendus ce jour-là, peut-être est-ce aujourd’hui que je les entendrais ? J’ouvre la fenêtre et écoute une dernière fois les vagues. Je prends mes valises et descends le grand escalier qui mène à la porte d’entrée, ou plutôt de sortie. Mes parents ne sont pas là, ils sont partis après notre dispute et je ne suis pas surprise de trouver la porte fermée mais je veux sortir et je trouverais le moyen. La porte de la cuisine est aussi fermée, je ne peux pas y accéder à cause des objets coupants qui s’y trouvent. Je me suis renseignée et je dois prendre un train à la gare la plus proche pour pouvoir partir mais enfermée dans ma maison, je n’irais pas bien loin. Depuis le temps que mes parents me gardent emprisonnée ici, ils sont devenus moins vigilants et je trouve une clé sur la table du salon. Je sors de la maison pour la première fois depuis plus de 10 ans, je suis pleine d’émotions et quelques larmes de soulagement et de beaucoup d’autres choses coulent sur mes joues.
Quelques heures plus tard
Prochain arrêt : Londres Londres… La capitale. Je sais que je veux m’arrêter ici, mes doigts sont accrochés à mes deux grosses valises, j’ai peur de les lâcher. Je me lève maladroitement et je ne m’étonne pas de trébucher à plusieurs reprises. Je me souviens que mon professeur m’avait dit que les personnes comme moi utilisaient des cannes pour éviter de tomber mais je n’en avais jamais eu besoin jusqu’ici. J’avais rencontré un monsieur très gentil qui m’avait amené à la gare et même accompagné jusqu’à mon train. Il m’avait conseillé d’aller à Londres et m’avait souhaité bonne chance, il avait été très gentil et je l’avais remercié un grand nombre de fois. Je descends en trébuchant pour la énième fois du train et me retrouve à la gare de Londres. Il y a beaucoup de monde et je me fais bousculer et réprimander à plusieurs reprises. Pourtant, je souris, je ressens un sentiment de liberté familier et le bruit du train retentit derrière moi. Comme une évidence, j’ouvre la bouche et m’exclame :
-Je suis libre !
Je suis perdue, je ne sais pas où aller, ni comment mais je suis heureuse et c’est ce qui m’importe le plus. Evidemment, quand je me mets en route d’un pas un peu trop décidé, je rentre carrément dans quelqu’un et perds l’équilibre pour m’écrouler sur le sol…