Le rire de Léo retentit dans l'air figé de la nuit. Je la vois rouler sur le sable, tandis que son rire résonne encore sous les étoiles qui commencent à éclairer le ciel. Cela achève de m'éclaircir les idées. Je me redresse à mon tour sur les coudes, et la regarde, totalement perdue. Visiblement, elle se fout de ma gueule. - Qu'est ce que tu sais de mes moyens, au juste ? Je suis soudainement agressive, mais je n'y peux rien. S'il y a bien une chose que je n'aime pas, c'est que l'on se moque de moi. Et j'ai l'impression que c'est ce qu'elle fait depuis le début. Du moins, c'est ce que sous-entend le sourire ironique affiché sur ses traits. Je serre les poings et la mâchoire alors qu'elle m'envoie mes vêtements du bout du pied. Comment ai-je pu être aussi naïve, bordel ? Comment ai-je pu croire qu'une fille "comme elle" pouvait craquer pour mes beaux yeux ? Je me relève avec difficultés, toute trace d'alcool envolée, et la tête me tournant légèrement. Chancelante, j'enfile mes longues jambes dans mon short, rejette mes cheveux en arrière et saisis mon tee-shirt, en fixant le dos de Léo, assise sur le sable. - Alors c'est tout ? Parce que je n'ai jamais été attirée par les filles, tout est fini ? Au fond, tu voulais juste qu'on couche ensemble, c'est ça ? Le reste, c'était juste... Histoire de faire genre ? J'ai un rire sans joie. Ironique, même. D'un geste sec, je claque mon haut sur ma cuisse et l'enfile brutalement. J'ignore ce que j'entends par "tout est fini" exactement, parce que, au fond, peut être que rien n'a commencé. Ou du moins pour elle. Car ce n'est pas le cas pour moi. Enfin, c'est ce que je croyais. Même si mon cœur me crie le contraire. Cette fille a une emprise nouvelle sur moi, et elle me fait déjà souffrir. Je passe une main nerveuse sur mes yeux, et lâche un soupir sec. J'ai juste envie de dormir, maintenant. D'être seule. C'est alors que je me rends compte que Léo chante. La même chanson que tout à l'heure. Jimi Hendrix. Mon père en était fan, lorsque j'étais gosse. J'ignore si c'est toujours le cas aujourd'hui. Peut être que ses gouts on changé, depuis. Comme sa famille a changé. D'ailleurs, mes demi-frères doivent avoir aujourd'hui 6 et 4ans. Et dire que je ne les ai jamais vu... Qu'est ce que j'ai fait, au fond, pour mériter ça ? J'ai beau être une garce, je n'en suis pas moins humaine. Et tous les humains ont besoin d'amour... Même les garces. Même moi. Je sens mes lèvres trembler, et je lève les yeux vers le ciel qui s'assombrit lentement, vers les étoiles dont la lueur se décuple au fur et à mesure. La chanson que Léo chante ne me fait pas l'effet d'une simple chanson, mais d'une promesse. Quelle naïveté, n'est ce pas ? Enfin, Léo se redresse et s'approche de moi d'un pas léger, souple. Malgré tout ce que je lui ai dit, elle me fait toujours autant d'effet. Et mon cœur se contracte davantage à chacun de ses pas. Ses mots m'arrachent un léger soupir, et je reste silencieuse un moment, avant de me prononcer enfin. - On a qu'à y retourner, alors. Je glisse mes pieds nus dans les chaussures laissées de côté sur la plage, et enfonce mes mains dans mes poches en commençant à me diriger vers l'endroit où se déroule la fête. Je m'arrête brusquement, me mords la lèvre et me retourne vers elle. - Je pensais vraiment tout ce que je t'ai dit, tu sais. Je t'aime. Je veux juste que t'en ai conscience. Je me tourne à nouveau et donne un léger coup de pied dans un tas de sable, avant de fredonner une dernière fois entre mes dents. - "Fly on, my sweet angel. Tomorrow I'm gonna be by your side..."
« On a qu'à y retourner, alors. » Je l'observe d'un air attentif. Son attitude a changé. Elle est devenue plus sèche, plus agressive. Mais aussi plus fragile. Je pose une main sur sa taille et la ramène contre moi. Cette gamine a du potentiel. Nous marchons tranquillement en direction de la fête. Et puis, Rid s'arrête, frémissante. Elle fait volte-face et me balance, ses yeux rivés sur les miens : « Je pensais vraiment tout ce que je t'ai dit, tu sais. Je t'aime. Je veux juste que t'en ai conscience. » Je la regarde partir. Elle s'avance d'un pas léger, avec toujours cette chanson au coin de la bouche. "Fly on, my sweet angel. Tomorrow I'm gonna be by your side..." Je la regarde marcher. Douce Ridley, insouciante Ridley, charmante Ridley. Je me demande ce qu'il s'est passé dans ta vie pour que tu deviennes ce que tu es devenue. C'est comme si tu avais refusé de grandir. Tu n'as jamais vraiment voulu quitter le monde Peter Pan. T'as été jetée dans le monde réel, à coups d'injures et de regards noirs. Exactement comme moi. Je m'avance jusqu'à elle et lui prends la main. « Rid ? J'ai une meilleure idée. On s'prend un truc à grailler et on file à l'hôtel. » Je m'avance vers le bar. Il a été déserté. La petite asiatique a disparu, la charmante rouquine s'est évanouie dans la nature, et ce cher Olivier est sûrement rentré à l'hôtel. Luna, quant à elle, je ne l'ai plus vue de la soirée et Gabriel est sûrement reparti en très agréable compagnie. « Y'a plus que nous deux Rid. » Je fais signe au barman de nous apporter des biscuits apéritifs et deux grands Mojitos fraise. Nos apéros en main, nous nous dirigeons vers l'hôtel. Ridley traîne un peu des pieds. Elle a ce petit air fâché des mauvais jours. Je passe le hall, Ridley sur mes talons, et me dirige vers l’ascenseur d'un pas sautillant. Les portes se referment sur nous. Je me tourne vers Rid, qui affiche toujours cette petite mine boudeuse. « Tu sais pas quoi Rid ? On va s'la faire cette soirée pyjama, alors arrête de faire la gueule. » Je lui offre un sourire encourageant avant de sortir de l’ascenseur. « Alors t'en dis quoi, Rid ? Pas de conneries, promis. »
A Brunel U. depuis : 14/05/2015 Devoirs rendus : 378
Je sens la paume de Léo se glisser dans la mienne alors que je marche sur la plage, en direction du bar. Peut être est ce une manière pour elle de montrer qu'elle tient à moi, sans pour autant avoir besoin des mots pour le montrer ? Ce qui ne marche pas chez moi. Pour que je prouve quelque chose, il faut que je le dise. J'ai couché avec tellement de gens que je me suis rapidement rendu compte que, pour la plupart, le corps était juste une façon comme une autre d'assouvir un besoin instinctif et les mots aussi, pour certains. Mais pas pour moi. Pour moi, les mots sont une promesse. Comme cette chanson. Notre chanson. Une fois arrivées au bar, je me rends compte que celui ci est déserté. Seuls quelques personnes sont attroupés par ci par là, mais les têtes qui m'étaient familières se sont toutes volatilisées. Il n'y a plus que le barman, occupé à essuyer des verres et à en remplir d'autres à l'intention de quelques gueules saoules. Léo fait signe à ce dernier de nous apporter quelques biscuits apéro' en plus de deux parts de ce qu'elle appelle un "mojitos fraise". Il faut dire qu'à part les bières, ou, à la rigueur, la vodka et autres alcools communs, je n'y connais pas grand chose... J'avale une petite gorgée de boisson, légèrement méfiante, avant de me rendre compte que le gout est juste... parfait. J'en avale une plus grande gorgée sans pour autant me départir de mon air boudeur. Enfin, nous arrivons à l'hôtel, pénétrons dans le hall et nous dirigeons vers l'ascenseur, moi en trainant les pieds, Léo d'un pas sautillant capable de rivaliser avec celui d'une danseuse tant sa grâce est parfaite. Les portes de l'ascenseur de referment derrière nous avec un cliquetis, et Léo et moi nous retrouvons seules dans ce minuscule espace. Sa présence m'apparait comme plus nette que jamais. Elle se retourne vers moi, l'œil pétillant, et c'est à mon tour d'écarquiller les yeux alors qu'elle prononce ses phrases. - Une soirée pyjama ? Toi et moi ? Un sourire éclatant se dessine sur mes lèvres alors que les portes s'ouvrent avec un tintement, qui ne fait que s'accentuer devant la mine encourageante de Léo. - Ce que j'en dis ? C'est que j'ai une condition : on la fait dans ma chambre ! Et promis, pas de conneries. Je lui prends le bras et me précipite vers ma chambre d'une démarche sautillante. Je lui ouvre la porte, qui donne sur une simple pièce à lit deux places, une petite plante dans le coin, une fenêtre avec vue sur plage et petite salle de bain. Le sourire jusqu'aux oreilles, je fouille dans ma valise et en sors un pyjama et un tee-shirt bien trop long que je garde toujours "au cas où". Je lui tends le pyjama -gris et simple, heureusement- avant de me diriger vers la salle de bain. - Celui là devrait-t'aller, je reviens tout de suite ! Je cours dans la salle de bain et enfile rapidement mon tee-shirt qui me tombe à mi cuisse, avant de me brosser rapidement les cheveux et de ressortir. Quelle ironie de s'enfermer pour me changer alors que nous nous sommes déjà vues à moitié nues, mais pour ma première soirée pyjama, je veux que les choses soient bien faites. Avec un petit cri de victoire, je rejoins Léo sur le lit en sautant sur le matelas, roulant le long de ce dernier. Reprenant un peu mon sérieux, je relève la tête en faisant du même coup tomber des mèches blondes devant mes yeux bleus, et croise son regard sombre. J'ai le sentiment que le mien reflète toutes les étoiles du ciel, au dehors. - Merci. Je lui prends la main et la regarde droit dans les yeux, avant de la lâcher délicatement et de me pelotonner sous la couette, ne laissant voir que mon visage. - Alors, de quoi veux tu qu'on parle, maintenant ? Ma voix pétille de malice, mais contrairement à mes habitudes, ce n'est pas une question piège. Cette nuit est bien partie pour être la plus belle de ma vie, et je ne tiens pas à la gâcher par mon habituelle ironie ou méchanceté.
Contre toute attente, Abby rit à ma... blague. Je suppose qu'on peut appeler ça comme ça. Quoiqu'il en soit, la tête me tourne de plus en plus au gré des verres que je m'envoie. Honnêtement, je sais pas combien cette connerie va me coûter, et honnêtement, je m'en contre-fous.
- Eh bien, Ally... Addy, excuse. Qu'est-ce que tu dirais... d'aller se baigner ?
Aller se baigner ? Mais elle est folle ? Cependant, je n'ai pas le temps de réfléchir plus à cette... idée, car elle m'entraîne en direction de la mer sans attendre ma réponse. Merde, dans quoi est-ce que je me suis encore fourrée ? Bah, tant pis, ça fera plus d'histoires à raconter. Sauf si je me noie. Hm. Je vais éviter. Nous courons jusqu'au bord de l'eau, comme deux folles. Ce qui est le cas. Des tarées. Je jette un coup d'oeil méfiant à l'eau. Bon, après, ça peut pas me faire de mal. Je retire mes converse, puis mes chaussettes. J'avance prudemment un pied jusqu'à ce qu'il rencontre la surface. Mouais, pas vraiment chaude mais ça passe. Je redresse le regard. C'est quand même beau. Même si le ciel est presque noir, il est constellé d'étoiles et la lune règne sur ce beau monde. Enfin, ''beau'', ça reste carrément contestable. Je dirais plutôt énorme merdier. Ouais, elle me manque. Tous les jours. Mais je n'y pense plus alors je suppose que ça va. Probablement. Je secoue la tête pour chasser ces pensées indésirables. J'inspire un coup. Fuck off. J'enlève ma robe en un mouvement. Et je cours. L'eau est plus froide que ce à quoi je m'attendais. Tant pis. Elle m'arrive presque au nombril. Je me retourne.
- Ramène ton cul ici ! je crie à Abby.
La vie vaut la peine d'être vécue. Parfois. Furtivement.
A Brunel U. depuis : 29/05/2015 Devoirs rendus : 441 ≈ âge : 28
Je cours avec Addy jusqu'à ne plus sentir mes jambes mais je ne les sentais déjà plus à la base. Addy finit par s'arrêter et elle enlève ses converses. Je me pétrifie sur place en fixant la mer. L'eau... L'eau... Le souvenir de ma noyade à la piscine de mon école primaire me revient en pleine face. Je recule de quelques pas en titubant tandis qu'Addy se déshabille et rentre dans l'eau. Je reste là, sans bouger d'un poil, en fixant les vagues. Addy m'appelle, je relève la tête, elle me tourne. J'aurais dû prendre un verre de vodka avec moi, je secoue la tête. Les souvenirs s'éloignent de nouveau, ça me fait un bien fou, je regarde l'eau et pars dans un fou rire. Je détache ma robe à bustier et la fais glisser par terre. Je jette ensuite mes talons compensés derrière moi et je rejoins Addy en courant. L'eau est froide mais ça ne me dérange pas. J'éclabousse ma partenaire en riant, elle me rend la pareille, je glisse et m'étale dans l'eau en riant. Je tire Addy et la fais tomber à côté de moi. Toute ma peur concernant l’eau c’est envolée, un grand merci à la vodka. Il faudrait que je sois saoul plus souvent, genre quand on a cours de piscine ! Je me sens bien, ça fait longtemps que je ne me suis plus sentie aussi bien. Je n’ai plus de problèmes plus de reproches à me faire, j’ai l’impression que tout va bien.