Le monde est aveugle, rares sont ceux qui voient
Je suis partie de chez moi à 19 ans. J’habitai dans une maison à Newquay après avoir quitté l’Italie quand j’avais 9 ans. C’était une grande villa à la périphérie de la ville, elle se trouvait juste à côté de la plage. C’était un endroit génial, probablement magnifique aussi mais je ne le saurais jamais. J’aurais voulu aller à la plage avec mes amis, passer des soirées à jouer de la guitare autour d’un feu de camp… Mais je ne l’avais jamais fait parce que je n’avais jamais eu d’amis. J’étais une enfant capricieuse, pour cause, mes parents m’achetaient tout ce que je voulais. Les cours de flûte traversière, les cours de dessin, de couture, l’ordinateur et le gsm pour aveugle, les jeux pour aveugles,… Même si ça coûtait la peau du cul, ils me l’achetaient. Il n’y avait qu’une chose que je voulais mais que je ne pouvais pas avoir : la liberté. Chaque fois que je demandais de sortir, me balader à la station balnéaire ou d’autres trucs futiles dans le genre, c’était non. Je n’allais pas à l’école, tout les cours que je suivais se faisaient à la maison. Le seul endroit où je pouvais aller était la plage et encore, juste une partie. J’avais pris des cours de piscine, je sais plus ou moins nager mais j’avais rapidement arrêté de prendre ces cours. J’avais très bien compris que le sport, ce n’était pas pour les gens comme moi. Je n’allais jamais faire du shopping, je commandai tout mes vêtements par internet et je créais aussi des vêtements moi-même. Vous dites que c’est la belle vie ? Et bien, je n’aimais pas cette vie moi. J’en avais marre que mes parents me séquestrent juste parce que j’avais un malheureux handicap, c’est en partie pour ça que j’ai pris tout ces cours, pour leur montrer de quoi une aveugle était capable, mais ça n’a rien changé. Au milieu de l’adolescence, je me suis rendue compte que quelque chose me passionnait : la mode. J’ai pris un cours d’aide pour les personnes comme moi et grâce à ça, je sais plus ou moins à quoi ressemble les objets et choses qui m’entourent. Les motifs sur les vêtements ne me sont pas inconnus, il y a juste les couleurs que je ne connais pas. J’ai donc commencé à m’intéresser à ça vers mes 15 ans, ça occupait mes nombreux moments d’ennuis. Créer des vêtements, m’intéresser aux différentes modes du monde,… Tout cela m’intéressait énormément et, sans que mes parents ne le sachent, j’avais crée un petit atelier dans le grenier au dessus de ma chambre. Pourquoi est-ce que je cachais ma nouvelle passion  à mes parents ? Parce qu’ils n’accepteraient jamais que je veuille en faire mon métier. Ben oui, ce n’est pas un métier « pour les personnes dans mon cas », je suis sûre que c’est ce qu’ils m’auraient dit. Cette petite pièce au-dessus de ma chambre est devenue mon refuge. Il n’y avait presque rien, pas de lumière, ça ne m’aurait servit à rien, juste une petite table, une petite chaise (trouvées d’occasion), tout mes livres de mode écrits en braille, les tissus pour faire mes vêtements, une petite armoire où je rangeais mes collections et mes outils de création ! J’amenais aussi ma petite radio avec ma musique, la musique était une sorte de sortie pour moi, elle me détendait, comme le rire m’apaisait…

Et puis j'ai découvert mon "don", j'ai commencé à avoir des sortes de visions même si pour moi, c'était juste des paroles, parfois je reconnaissais les voix mais parfois non. Vous n'y croyez pas? Tant pis, c'est vrai que dit comme ça, ça parait impossible, le fait est que ça m'arrivait. J'ai commencé à m'intéresser au tarot, je tirais les cartes et j'ai développé une sorte de capacité à lire dans le futur. Je n'ai pas besoin de dire que mes parents ne croyaient pas en ce don, comme la plupart des personnes, je m'entraînais donc en secret.

A mes dix-huit ans, j’avais enfin décidé de leur en parlé, de leur dire ce que je voulais. J’avais envie d’aller étudier ailleurs, dans une université où je pourrais apprendre le stylisme. J’étais persuadée de pouvoir les convaincre, j’étais très optimiste et… et je n’aurais pas dû. Ils me l’ont refusé net et m’ont pris un professeur d’université pour des cours au domicile. J’allais donc passé mes années d’univ’ exactement comme mes années de secondaires. Mais il y avait pire dans tout cela, je n’allais pas étudier le stylisme mais la comptabilité. J’ai passé un an dans cette « université à domicile » comme mes parents l’appelaient mais moi, j’en avais marre. Après cette année, qui est probablement la pire de toutes vu que tous mes rêves ont été brisés, eh bien, c’est très simple, je suis partie. J’ai pris le train pour la première fois de ma vie et je suis allée à Londres dans ma nouvelle université.

Ca fait déjà quelques années que je suis à Londres, 5 ans précisément. J'y étudie le stylisme comme je l'avais toujours voulu. J'ai toujours le don dont j'ai parlé un peu plus haut mais je n'en parle qu'à très peu de gens et la plupart ne me croient pas. Je pense que je suis bien dans cette école. Je suis bien intégrée, je suis bien dans ma confrérie et je n'ai pas trop de mal à me faire des amies.

FIN